Publicité
Incidents survenus au stade LSS

Après une série de succès en basket (deux titres en U-18), les « Lionnes » du foot qualifiées pour la Can, un bon parcours des « Olympiques » aux JO et de bons résultats en handball (double victoire au Challenge trophy), en rugby, taekwondo et karaté, il y avait une légère éclaircie dans le sport sénégalais. Même s’il s’agissait d’une compétition continentale alors que les autres étaient régionales ou zonales, c’était toujours bon à prendre, notamment les qualifications pour les joutes mondiales ou continentales. Eclaircie vite dissipée par les défaites des « Lionceaux » à Porto Novo (1-3) et des « Lions » à Abidjan (2-4) qui les mettaient devant l’impérative mission de réaliser des exploits à Dakar. Echecs sur toute la ligne pour le football sénégalais, surtout pour les « Lions » passés au révélateur des « Eléphants ». La débâcle du 13 octobre a plus été une mise à nu des problèmes de notre sport qu’une révélation des choses qui existaient avant. Maintenant, nous n’allons pas nous attarder sur des faits conjoncturels et leur trouver des solutions tout aussi conjoncturelles en oubliant de nous attaquer au structurel.

Publicité

Conditions de performance
La première chose, c’est qu’avec le budget alloué au ministère des Sports qui était de 0,6% du budget national (6.740.720.210) et qui est passé à 0,8%(8.809.266.000), il est pratiquement impossible de prétendre régner sur le continent. Aucune de la quarantaine de fédérations sportives du Sénégal n’est en mesure d’avoir les moyens de son développement au niveau national avant même de prétendre exister valablement en Afrique. Le budget de la seule Fédération angolaise de basketball est proche du budget du ministère des Sports. Ce n’est qu’à l’approche des campagnes (Can, Afrobasket, championnats d’Afrique) ou des matches chocs (Cameroun, Côte d’Ivoire, Egypte, etc…) qu’on active la fibre patriotique avec des propos guerriers avec, à l’appui, des millions trop tard injectés par l’Etat. C’est souvent après une préparation tardive et bâclée que nos braves « Lions », «Lionnes », « Lionceaux et « Lioncelles » montent au front. L’Etat sénégalais dans sa continuité d’Abdou Diouf à Macky en passant par Wade n’a jamais mis le sport sénégalais structurellement dans des conditions objectives de performances qui approchent celles des pays qui gagnent en Afrique. Et cela commence par les infrastructures insuffisantes et vétustes ou pratiquement inexistantes, notamment dans une ville comme Saint-Louis qui règne pourtant sur le basketball national. Sur le plan de la politique sportive, le Sénégal a opté, depuis 1984, pour le sport pour tous, avec la multidisciplinarité pour faire des sénégalais un peuple de sportifs. Presque trente ans après, les sénégalais veulent désormais devenir un peuple de champions. Pour ce faire, il faut une autre approche du sport et une réelle volonté politique pour concrétiser tous ces plans de développement que les différentes directions techniques des fédérations ont savamment concocté et qui restent dans les tiroirs, faute de moyens.

Démission de l’Etat
L’Etat a donné son onction pour le démarrage du football professionnel au Sénégal mais n’a pas encore posé un acte concret en termes de financement. Ce sont des hommes qui ont mis la main à la poche pour porter ce football pro. Mais sans l’apport de l’Etat, le décollage sera lent et on verra encore des clubs gambiens, maliens (le Stade Malien et le Djoliba sont régulièrement en phases de poule) éliminer les sénégalais. Aujourd’hui, après le précurseur Aldo Gentina, ce sont les centres de formation tels Case, Aspire, Diambars, Dakar Sacré-Cœur, Génération Foot, etc… qui sont les grands pourvoyeurs de nos équipes nationales de jeunes (cadets, juniors, olympiques). Et cela n’a rien à voir avec une politique sportive de l’Etat qui refuse obstinément de comprendre depuis des décennies que le développement du sport passe par des clubs forts dans toutes les disciplines. Le football pro (plus tard le basket, le hand ou l’athlétisme), avec toutes les activités qui gravitent autour, génère entre 1.500 et 2.000 emplois de jeunes, l’Etat n’a pas le droit de démissionner et d’assister à une déperdition de ces emplois synonymes d’épanouissement de sa jeunesse.
Dans un autre registre, la démission  du premier vice-président de la Fsf, Louis Lamotte, pose problème car elle est en contradiction avec l’esprit qui avait prévalu en revisitant les textes. Il fallait installer la fédération pour une durée de 4 ans, pour lui permettre de mettre en branle un programme et le porter à son terme ou à un degré avancé de réalisation. Surtout éviter que le souci de se maintenir, l’électoralisme et les aléas d’un résultat de match ou d’une campagne ne soient sources d’instabilités chroniques et de changements improductifs au niveau de la structure faîtière de notre football. En tirant ses conclusions de la défaite des « Lions » face à la Côte d’Ivoire, et sur les malheureux incidents qui ont suivi, le premier vice-président de la Fsf et président de la Ligue pro a cru bon de démissionner alors que sa mission n’est pas encore terminée. Cet abandon est comme un aveu d’impuissance devant la montée de la violence et le comportement des jeunes.

Reconversion des mentalités
Le sport, le football en l’occurrence, n’est qu’un microcosme de la société sénégalaise. Une société qui a érigé en mode de fonctionnement le gain facile, l’impunité, la violence et les raccourcis pour réussir. Et l’exemple venant souvent d’en haut, ce sont ces contre-valeurs, ajoutées à un déficit criard de civisme et une certaine démission des parents, qui ont débouché sur le piteux spectacle du 13 octobre où l’on vit des jeunes sénégalais brûler le drapeau national. Le football, ce jour-là, n’a été qu’un révélateur du marasme de notre société, otage de la peur que lui inspire sa propre jeunesse. Or, comme le dit Platon : « lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne, alors c’est là, en toute beauté et toute jeunesse, le début de la tyrannie ».
Après les graves incidents de samedi, certains dont M. pensent qu’il faut restructurer et reformer le football sénégalais. Mais le grand défi est ailleurs, c’est une reconversion des mentalités pour revenir à des valeurs saines qui étaient les nôtres. Donc, en priorité, c’est la société sénégalaise, dont la jeunesse est partie intégrante et majoritaire, qu’il faut réformer. C’est une tâche énorme devant laquelle la démission n’est pas une solution salutaire.

Source: Le Soleil

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici