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Le défenseur du PSG Abdou Diallo revient sur son choix de sélection, sur ses premiers pas avec le Sénégal et sur son nouveau statut en club.

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La carrière internationale d’Abdou Diallo a basculé la semaine dernière. L’ex-capitaine des Espoirs a décidé de porter le maillot du Sénégal. Au fil de l’interview qu’il nous a donnée depuis sa chambre d’hôtel, quelques heures après sa première sélection réussie face à la RDC (0-0, le 26 mars à Brazzaville), le défenseur du PSG (24 ans) revient sur ce lien puissant qui le lie au pays de ses parents, sa double culture et le cheminement intime qui a conduit à sa décision finale.

Son choix de sélection et la binationalité

« Avez-vous eu le sentiment ces derniers jours d’être à votre place en sélection du Sénégal ?

Totalement. J’ai senti que j’étais voulu et attendu. Tout me semble très naturel. On m’a super bien accueilli. C’est même moi qui, au début, faisais le mec un peu discret (rire). Je suis arrivé très humblement. Le premier hymne, je repensais à mon enfance, quand mon père célébrait toutes les victoires du Sénégal et je me suis dit : “Ah ouais, maintenant, c’est moi.” Après, il y a eu le bizutage, et je ne suis pas le meilleur danseur (rire). J’ai fait l’erreur de passer à la fin. Le problème, c’est que tous les meilleurs danseurs étaient passés. Fodé (Ballo Touré), catastrophique (rire), mais Papy (Mendy) a assuré.

Vous avez évolué dans toutes les sélections en bleu, vous jouez au PSG. Comprenez-vous qu’on soit surpris par votre décision ?

Je peux le comprendre, mais on ne m’a jamais posé la question. Dans la tête des gens, j’étais français, point. Si on m’avait posé la question avant, j’aurais répondu : “Oui, je suis franco-sénégalais.” Les gens ont peut-être l’impression que ça tombe du ciel comme ça. Je me sens français et sénégalais. J’ai toujours été cet Abdou-là en fait. Ce n’est pas quelque chose de bizarre. C’est naturel. C’est un maillot qui représente beaucoup pour moi.

L’argument qu’on oppose régulièrement à ce type de choix, c’est : “Il a eu peur de la concurrence en bleu.”

Pas du tout. Ce n’est pas un manque d’ambition ou une crainte. J’étais dans la position idéale pour penser aux Bleus. Si demain, pendant six mois, je pète tout à Paris, forcément l’équipe de France se serait intéressée à moi.

Depuis combien de temps meniez-vous cette réflexion ?

Quand je n’ai pas été pris pour l’Euro Espoirs (en 2019), je suis allé au Sénégal en vacances. Et, à partir de là… Cela n’a fait que confirmer : “Oui, je suis sénégalais.” Les premières démarches pour obtenir les papiers, c’est moi qui les ai faites sans avoir eu le coach (Aliou Cissé) au téléphone.

À quel point est-ce douloureux de devoir choisir ?

(Il prend quelques secondes pour réfléchir.) Je suis quelqu’un de positif. J’ai deux belles cultures, deux belles nationalités. Après, il faut faire un choix. Mais ça ne fait pas de moi quelqu’un qui est moins français. Ou plus sénégalais. Je suis juste Abdou Diallo avec mon parcours, ma vie. Et aujourd’hui, c’est une force. Ma culture française, je l’aurai toujours. Mais je suis aussi sénégalais, et ça non plus, on ne pourra jamais me l’enlever. Je ne suis pas un cas exceptionnel. La position de binational peut être difficilement compréhensible pour certains. Voire dérangeante.

Il a choisi le Sénégal

Pourquoi ?

Ça en dérange certains que des joueurs puissent passer d’une sélection à une autre. Mais c’est comme ça, c’est notre droit, notre identité. On ne peut pas se renier. On ne veut pas se renier. Personne ne m’enlèvera ma double culture. C’est ma force.

Avez-vous intégré dans votre réflexion le fait que les internationaux africains sont moins valorisés, au-delà du marché des transferts, auprès des marques par exemple ?

C’est un fait. On n’est pas considérés de la même manière. Après, je déteste la victimisation. Je déteste entendre : “C’est comme ça et ça ne changera pas.” C’est à nous d’oeuvrer pour que ça change. Vous me parlez de valorisation, il n’y a pas que ça dans la vie. Quand tu fais un choix, tu ne penses pas seulement à ton marketing, à ton oseille. Tu cherches à aller là où tu penses être heureux.
Les clichés accolés au football en Afrique, ce sont aussi ces longs déplacements, ces pelouses parfois abîmées…
(Il coupe.) Ça n’entre pas dans ma réflexion. Je suis en mission. Quand les Sud-Américains jouent en Bolivie ou dans un autre pays en altitude, on se pose la question ? Non, personne. Ce sont les particularités du continent.

Quelles sont vos ambitions avec le Sénégal ?

Quand tu regardes la sélection, tu te dis : “Ah ouais, il y a du matos.” Mais derrière, il n’y a pas de palmarès. Tu as envie de donner ça au peuple. On a tout pour faire l’histoire. Si on y arrivait, ce serait immense.

Après votre erreur et votre expulsion à Monaco (2-3, le 20 novembre), n’avez-vous pas craint que votre carrière parisienne bascule du mauvais côté ?

Pas du tout. Vous savez, tout n’a pas été facile dans mon parcours. Un échec, ce n’est pas forcément quelque chose de négatif. Monaco, je me dis : “OK, regardons le match et analysons : il y a 99 % de bon et 1 % de dégueulasse. Gardons 99 % qui nous permettent de rester calme et gommons les 1 %.”

Mais à ce moment-là, les spectateurs se disent : “Diallo, ça fait un an qu’il est là. Il n’a pas le niveau pour le PSG.”

Le spectateur, c’est naturel, il vient prendre de l’émotion quand il regarde un match et, quand elle est négative, il critique. C’est son rôle, il faut l’accepter.

Comment jugez-vous votre première saison ?

Clairement, je n’étais pas dans la position d’un mec qui pouvait réclamer d’être titulaire. J’ai fait face à une grosse concurrence. Ma blessure (au dos) ne me permettait pas d’être à 100 %. Même si ce n’est pas du tout une excuse. J’aurais sûrement pu faire mieux. Une carrière linéaire, ça ne peut pas arriver. Malheureusement, je ne suis pas Messi ni Ronaldo (rire). Donc il faut accepter ces moments difficiles et s’en servir.

Mais avez-vous douté sur les dix-huit derniers mois de votre capacité à vous imposer au PSG ?

Je ne considère pas que je me suis imposé aujourd’hui. Le foot va vite. Demain, je peux échouer. Donc il n’y a pas de doute à avoir : tu fais ce que tu sais faire de mieux. Si ça passe, ça passe. Et si ça ne passe pas, tu te retrousses les manches et tu vas au front.

Peut-on trouver ce recul dans le contexte parisien ?

Tout le monde parle du contexte parisien, mais en réalité, si j’avais provoqué un penalty au Real, je me serais fait allumer aussi. C’est normal. Les supporters du PSG, j’ai appris à comprendre leur façon de voir et de vivre le foot. Je suis sensible aux gens qui, même dans les mauvais moments, sont là. Regardez l’épisode Dortmund, on perd le match aller (1-2, en huitièmes de finale) et tout le peuple parisien est là au retour (victoire 2-0). Il est là ! Si c’est ça, le contexte parisien, ça me va très bien (sourire). Oui, il y a des critiques, de l’émotion mais il y a des mecs qui vivent pour le club.

En quoi avez-vous changé depuis dix-huit mois ?

Aujourd’hui, je sais bosser pendant trois semaines, un mois où je ne joue pas et être concerné à 100 %. Donc quand le coach fait appel à moi, mentalement je suis prêt. Paris, c’est ce qu’il me fallait. Dortmund, c’est un club de très haut niveau, mais si j’étais resté, j’aurais peut-être eu un certain confort. J’aime la difficulté. Je me suis construit dans la difficulté. Et en venant à Paris, j’ai trouvé ça. Aujourd’hui, que ce soient Thiago Silva, “Marqui” ou Kimpembe, c’est le top 5 ou 7 mondial. Je me frotte au gratin européen. Eux sont habitués à ce contexte de très forte exigence. Ce contexte de : “C’est le trophée qui compte.” Aujourd’hui au PSG, la plus grande exigence, c’est cette concurrence interne. J’avais besoin de ça pour comprendre que OK t’es bon, mais t’as pas tout.

Comment vous sentez-vous à ce poste de latéral gauche ?

Plutôt bien. Après, j’ai été formé central. Mais dans le foot, il n’y a pas d’états d’âme. Si le coach me met là, c’est qu’il considère que je peux jouer à ce poste. Je donne le maximum, je regarde les latéraux du PSG et européens pour progresser.

Le moment de bascule récent, c’est ce match face au Barça (en huitièmes de finale retour de C1, 1-1, au Parc des Princes, le 10 mars). Vous entrez à la mi-temps. Que vous dites-vous ?

Honnêtement, je ne vais pas vous inventer une légende (rire). Je me dis : “Échauffe-toi et bousille tout !” (rire).

Avez-vous aujourd’hui le sentiment d’avoir inversé la hiérarchie côté gauche grâce à ce match ?

Dans un grand club, la hiérarchie ne veut rien dire. Ce que j’ai fait hier ne compte plus. On me parle de Barcelone parce que c’est récent. Demain, si je me foire, on aura oublié Barcelone. Et c’est normal. La hiérarchie, tu ne la retournes jamais. C’est toi au jour le jour. L’application que tu vas mettre, le niveau qui te permet d’enchaîner les matches.

Pensez-vous pouvoir devenir un latéral de très haut niveau ?
Vous ne considérez pas que le PSG, c’est déjà du très haut niveau ?

Si, mais entre jouer un match de haut niveau et s’installer durablement, il y a une différence…

Bien sûr que je m’imagine. Maintenant, s’imaginer c’est bien. Le faire c’est mieux. Il me manque des automatismes. Ça va venir. Je parle beaucoup au staff, avec les joueurs, avec les autres latéraux. J’en parle avec l’ailier devant, Kylian (Mbappé), “Ney”, Pablo (Sarabia). Je me nourris tous les jours de ça. En espérant devenir le plus complet possible.

En quoi la méthode de Mauricio Pochettino est-elle différente de celle de Thomas Tuchel ?

La manière de s’entraîner, de se préparer a changé. Pochettino, c’est l’école anglaise. En termes d’intensité, de préparation. Il y a plus de courses, à haute intensité, sur de longues distances. Deux jours après le match, on va faire du 15-15 (séries alternées de 15 secondes de course rapide et de 15 secondes de course lente). L’idée, ce n’est pas de dire : “C’est mieux, c’est moins bien.” C’est différent. Et le plus important, c#8217;est que le groupe adhère à ce que le coach propose. Et c’est le cas.

Comment définiriez-vous son projet de jeu ?

Il veut avoir la possession du ballon. Mais il met un point d’honneur à avoir une maîtrise du ballon efficace, intense et avec l’objectif de marquer. Ce n’est pas de la possession pour de la possession. Ensuite c’est un coach qui aime énormément être efficace dans les transitions, à la perte.

Dans le management, comment est-il ?

Très, très proche des joueurs. Dès le début, il nous a dit : “La porte du bureau sera toujours ouverte.” Il aime parler foot en fait, et moi aussi (rire). Vous pourriez faire une interview de trois heures avec lui (rire).

Vous allez entamer une semaine décisive (PSG-Lille demain en L1, et Bayern Munich-PSG mercredi en quarts de finale aller de C 1). La crainte de perdre le titre existe-t-elle dans ce groupe ? Et comment préparer le Bayern ?

Mais le titre n’est pas perdu (le PSG est premier devant Lille, avec le même nombre de points, 63, et en compte 3 de plus que Lyon et 4 de plus que Monaco) ! Si on avait quinze points de retard, je comprendrais. Là, ce n’est pas le cas. Il faut se concentrer sur les matches qui arrivent, Lille notamment. Le Bayern ? Pour aller chercher la victoire en C1, il va falloir en passer par-là. Mais ce sont des matches dont on a rêvé ! Il faut le vivre comme ça !

Le Paris d’aujourd’hui a-t-il plus d’outils pour battre le Bayern que lors de la finale de C1 (0-1, le 23 août) ?

Quand tu analyses la finale à froid, tu vois qu’on avait la place. On n’était pas si loin. Mais ce sont des matches, c’est la réalité du moment. Tu ne sais pas qui sera présent, qui sera à 100 %. La question n’est pas qui est la meilleure équipe mais qui sera la meilleure équipe ces soirs-là. Personne n’est imbattable. »

 

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