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Il avait disparu des radars sénégalais depuis la fin de la CAN 2008 au Ghana. A 35 ans, Ibrahima Sonko est aujourd’hui sur le point de raccrocher les crampons après une carrière bien remplie débutée en 1999 à Saint-Etienne avant de connaitre son apogée en Angleterre où le rugueux défenseur a fréquenté sept clubs, notamment Reading où il s’est réellement révélé en étant joueur de l’année en Championship (D2) en 2005 et champion d’Angleterre de D2 en 2006. Une grande expérience du championnat anglais qui lui permet de porter un regard sur la nouvelle vague de joueurs sénégalais qui déferlent sur la Premier League. Aujourd’hui, l’ancien international sénégalais qui prépare ses diplômes d’entraineur et sa licence d’agent, est déjà engagé dans sa reconversion. En aidant de jeunes joueurs à trouver un club, il a notamment été à l’origine du départ de Baye Oumar Niasse en Turquie où ils ont joué ensemble à Akhissar (2013), et de son récent transfert à Everton. Dans cet entretien, le natif de Bignona parle de Baye Oumar Niasse, revient son parcours de joueur, son après carrière et sa brève carrière internationale avec les «Lions».

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Que devient Ibrahima Sonko ?

Je suis en train de préparer ma licence d’entraîneur. Je suis aussi dans la détection de joueurs talentueux, pour leur donner une chance de réussir dans le football.

Vous vous lancez donc dans une carrière d’agent de joueurs ?

Pas exactement, mais j’aurai aussi ma licence très bientôt et c’est à partir de là que je serai officiellement agent, à la différence de quand j’étais juste un joueur et, en même temps, aidais d’autres à rejoindre des clubs.

Avez-vous joué un rôle dans le transfert de Baye Oumar Niasse à Everton ?

Pas vraiment. Quand j’ai pris Baye Oumar Niasse du Sénégal pour l’emmener en Turquie, je l’ai confié à l’un de mes agents qui est devenu son agent. C’est lui qui s’en est occupé. Tout ce qui s’est passé, c’est Oumar qui s’y est attelé. D’abord, en allant en Russie et y réussissant comme il l’a fait. Il s’est mis dans une posture où tous les clubs européens le regardaient. Maintenant, sa venue en Angleterre a été finalisée par l’agent auquel je l’avais confié et c’est une belle réussite. Le petit a fait ce qu’il fallait, en jouant sur ses qualités et a réussi à faire chemin lui-même jusqu’en Angleterre.

Après la signature, il lui reste à s’imposer en Angleterre, une autre paire de manches. Vous qui y avez évolué, que lui conseillez-vous pour réussir en Premier League ?

C’est de jouer son jeu, ne pas essayer de chercher un nom, à être quelqu’un d’autre. Il faut qu’il reste le joueur qu’il a toujours été, celui qui n’arrête jamais de courir, qui utilise sa pointe vitesse pour affoler les défenses. Il est très direct et si jamais il essaie de changer de côté pour être un joueur qu’il n’est pas, il va en pâtir. Mais je pense qu’il va apprendre très rapidement. Il va se rendre compte que jouer son jeu, celui qu’on maîtrise, c’est souvent la meilleure manière de surprendre les gens qui ne te connaissent pas. C’est un jeu très physique et direct en Angleterre, avec des joueurs très agressifs. Il y a aussi l’aspect technique de certains défenseurs auquel on ne pensait pas. Les défenseurs sont assez intelligents et répondent assez rapidement à tes qualités, en s’essayant à d’autres choses auxquelles tu ne t’attendais pas. Mais je pense vraiment qu’Oumar a les qualités pour s’imposer pour Angleterre. Comme je l’ai toujours dit, quand je l’ai vu pour la première fois, s’il a un jour, la chance d’aller en Angleterre, il va s’en sortir et devenir un joueur très spécial. Maintenant qu’il y est, c’est à lui de prouver cela, à côté de Lukaku. Leurs qualités divergent. Lukaku est un peu comme Drogba, avec le côté physique et qui n’est pas mal pour protéger la balle. Oumar est totalement différent. C’est un joueur très rapide, qui aime courir et avec une pointe de vitesse remarquable. Je pense qu’il doit se servir de Lukaku pour jouer, en le laissant s’occuper de garder le ballon et lui s’occuper de la profondeur du jeu. Je pense que si Everton arrive à les faire jouer ensemble, ils formeront une remarquable paire d’attaquants en Angleterre.

Passer de la Russie à l’Angleterre, c’est une autre paire de manches…

Il est directement venu du Sénégal et s’est imposé en Turquie et en Russie. Il doit juste faire la même chose, c’est-à-dire aller en Angleterre et s’y imposer.

A un moment, la presse avait évoqué l’intérêt de clubs comme Chelsea, Galatarasay et Manchester United. Ces rumeurs étaient-elles fondées ?

Oui, elles l’étaient. Toutes ces équipes étaient parties le voir jouer. Depuis que Hamza avait pris Galatarasay, le club a toujours été intéressé par les qualités d’Oumar. Et les belles choses pour sa deuxième saison en Russie avaient relancé l’intérêt des clubs. S’être imposé en Europe, avec ses buts, l’a fait connaitre à l’international. C’est un garçon pétri de qualités qui doit juste continuer à s’affirmer à l’échelon européen et international.

A quel attaquant l’auriez-vous comparé dans le championnat anglais ?

Il a le côté physique et athlétique de joueurs comme Obafemi Martins (ancien international nigérian ayant évolué à Newcastle et à Birminham) et Fernando Torres (international espagnol ayant évolué à Liverpool et à Chelsea), des profils très rapides et directs. Il a aussi en lui du Samuel Eto’o (ancien international camerounais ayant évolué à Chelsea) qui ne lâche rien.

Aujourd’hui, ils sont une dizaine de joueurs sénégalais en Premier League qui semblent avoir plus de réussite que la première vague, celle des El Hadji Diouf, Salif Diao. Selon vous, qu’est-ce qui a changé ?

Les joueurs actuellement sont très athlétiques et engagés. Quelqu’un comme Kouyaté, tu le vois devant le but et la seconde d’après, il est déjà dans sa zone de défense. Il est grand, très bon de la tête et s’impose physiquement. Quelqu’un comme Sakho (Diafra) est aussi très direct et rapide. Il pose problème aux défenses, parce qu’il court tout le temps. Ce sont les points forts des joueurs sénégalais actuels. Ils sont athlétiques et ne lâchent rien. Cela fait plaisir, parce qu’il y a longtemps qu’on n’avait pas vu cela. Pour la première génération, je pense que l’attente qu’on avait sur elle était plus grande que celle qu’on a sur les joueurs d’aujourd’hui. Malgré tout, Salif a joué 4 ou 5 ans à Liverpool. El Hadji Diouf y a joué 2 ans, avant d’intégrer des clubs comme Bolton, Blackburn, Leeds, en étant toujours aussi fort qu’on le connaissait. Avec la nouvelle génération, les joueurs ne sont pas très connus et n’ont pas encore marqué l’histoire du football. Donc, ce qu’ils arrivent à réaliser surprend beaucoup de gens. Personne ne s’attendait à ce qu’ils s’imposent si rapidement, parce qu’ils n’ont pas encore été en Coupe du monde. C’est donc tout à fait normal qu’ils surprennent. Ils ont des qualités que les gens connaissaient, mais ne s’attendaient pas à les voir s’imposer assez rapidement à ce niveau. L’effet de surprise, c’est toujours meilleur.

L’intérêt de Chelsea, évoqué au début du mercato hivernal, était-il réel ?

Pour Chelsea comme pour tous les autres clubs, l’intérêt était vraiment réel. Mais je pense que ça aurait pris plus de temps pour qu’il aille à Chelsea. C’est un joueur qui a coûté beaucoup d’argent et il fallait justifier un tel prix, ensuite ils ont changé d’entraîneur et cela a peut-être contribué à freiner les choses. A Everton, ils ont vu ce que le petit a fait durant les deux dernières années et ils se sont dit : «Pourquoi pas ?» Ils l’ont pris au bon moment, il a encore une belle marge de progression.

Vous avez démarré votre carrière à Grenoble, alors en National, en France. Aujourd’hui, vous avez connu presque une dizaine de clubs (9 au total), dans trois pays différents (France, Angleterre et Turquie). Que diriez-vous si vous devriez résumer votre carrière en quelques mots ?

Quand je commençais, peu de gens pouvaient croire que j’allais avoir une telle carrière. Il m’a fallu beaucoup de travail et de temps, mais j’ai quand même réussi à avoir la carrière que j’ai eue. C’est peut-être en ce qui concerne l’équipe nationale que le bilan est négatif. J’aurais voulu faire mieux. Mais bon, ce n’est pas de ma faute. C’est le foot. J’y ai passé de très bonnes années dont je suis fier et c’est l’essentiel.

Qu’est-ce qui explique l’échec de votre passage en équipe nationale?

Les choix des entraîneurs. Pour des raisons que j’ignore, ils ont décidé que je ne devais pas jouer. Peut-être que je ne le méritais pas. Les coachs ont leurs préférences, on ne peut rien y faire. Je ne pense pas que c’était à cause d’un problème personnel. Les aléas de la vie font que parfois, tu te retrouves dans une situation où tu ne voulais pas être.

Parmi les sélectionneurs que vous avez côtoyés en Equipe nationale, lesquels vous ont le plus marqué ?

J’avais de très bonne relation avec Jules François Bocandé. En ce qui concerne les deux autres entraineurs, Kasperkzack et Lamine Ndiaye, sincèrement j’étais déçu. Parce que quand Kaspi est venu en Angleterre pour me chercher, il m’a dit qu’il voulait mes services pour participer à améliorer la défense. Après les deux matches amicaux avant la Can 2008 au Ghana, je me suis dit que je vais être dans l’effectif parce qu’on a de belles choses, Souleymane Diawara et moi. Malheureusement, une semaine après j’étais complétement oublié. J’ai respecté les choix, mais j’étais déçu parce que les deux premiers matches se sont mal passés on était sur le point d’être éliminé et Kaspi a démissionné. Lamine Ndiaye a repris l’équipe et décidé de changer en donnant la chance à ceux qui n’avaient pas encore joué. Il a fait tourner l’effectif mais bizarrement, n’a pas fait appel à moi. J’étais le seul qui est resté sans jouer aucune minute. Je ne sais pas ce que je lui ai fait. Ça m’est resté en travers de la gorge. Ni lui ni Kaspi, personne ne m’a donné une explication. C’est difficile de comprendre, qu’on vienne me chercher loin dans mon championnat et mon équipe Reading était dans une situation assez délicate, j’ai décidé d’aller en Equipe nationale et on ne me fait aucune minute dans ce tournoi quand tous les autres ont eu leur chance. Ma carrière était chamboulée. Au retour à Reading, c’était un problème, parce que je suis parti aussi longtemps sans jouer. Ça affecté ma relation avec mon club. Malgré tout, je n’ai jamais regretté de jouer pour le Sénégal. Peut-être que j’aurai dû attendre encore un peu.

Aujourd’hui, plusieurs binationaux sont dans la réflexion pour faire leur choix. Qu’est-ce qui pourrait aider les dirigeants sénégalais à les convaincre ?

C’est dans le discours que la différence se fait. C’est pourquoi il est important d’avoir d’anciens joueurs dans le staff, ils savent quoi dire aux joueurs. Ce n’est pas la peine de promettre monts et merveilles à un joueur pour qu’il vienne, alors qu’une fois qu’il est là, on se rend compte qu’on ne peut tenir parole. Autant lui tenir un discours franc, lui faire comprendre qu’on a besoin de lui pour un projet collectif et que c’est à lui de gagner sa place. Tous les joueurs aiment les challenges et si on arrive à les convaincre, ils vont se battre pour gagner leur place. On ne peut jamais donner une assurance à un joueur qu’il va jouer. C’est au joueur de se battre pour gagner sa place. Mais si on peut garantir un total respect et que la compétition soit loyale, je pense que le joueur viendra.

Aliou Cissé va bientôt boucler sa première année à la tête de l’Equipe nationale du Sénégal. Comment trouvez-vous ses débuts à la tête de la Sélection ?

Ce qui est bien avec Aliou Cissé, c’est qu’il est en train de faire jouer cette équipe de la manière dont il jouait lui. On voit une équipe très engagée, avec beaucoup de respect pour les uns et les autres, une équipe qui va chercher ses adversaires très haut, avec un pressing très agressif. Avec les qualités qu’on a, si on arrive à trouver la bonne formation, ça va être une bonne chose.

Certains lui reprochent d’être un dictateur avec les joueurs, cela peut-il se retourner contre lui ?

Il était un leader et il veut garder ce côté leader, imposer sa vision à ses joueurs. C’est important. Si les choses se passent mal, c’est lui qui sera viré. Donc s’il doit mener une bataille, autant qu’il le fasse avec ses convictions et que les joueurs adhèrent. Qu’il soit dictateur ou pas, si ça fait avancer les choses, tant mieux. Si maintenant il laisse les gens faire ce qu’ils veulent, il pourrait rapidement perdre le respect de tout le monde. Maintenant, si sa méthode ne marche pas et qu’il se fait virer, au moins il partirait la tête haute.

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