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Comme annoncé par Saër Seck lors de l’entretien qu’il nous a accordé dans le cadre de notre enquête portant sur les accords de cession de droits de représentation et d’image, une dynamique unitaire des centres de formation est en voie de se mettre en place. En effet, au lendemain de la publication de ladite enquête, nous avons obtenu l’information selon laquelle l’Académie Génération Foot, via son président Mady Touré a effectivement procédé à la même pratique et avec des clauses encore plus contraignantes.

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Dans un exemplaire d’un contrat dont nous avons obtenu copie, daté de ce mois de janvier, le centre de Déni Biram Ndao fait signer à ses joueurs (qu’ils soient formés par le centre ou recruté pour l’équipe professionnelle) un document de trois pages, dénommé « protocole d’accord », à travers lequel ils s’engagent à confier « exclusivement à l’Académie Génération Foot le choix et la désignation de l’agent sportif ou de l’intermédiaire qui l’accompagnera dans la gestion sportive de sa carrière et de son image à compter de son transfert ou de son recrutement par un club professionnel ou amateur. »

DES CONDITIONS ENCORE PLUS CONTRAIGNANTES QUE DIAMBARS

Et, là où l’Institut Diambars exigeait une contrepartie de 540 000 euros (environ 354 millions F CFA) lors de la « première intégration dans le circuit professionnel hors du Sénégal » et trois millions d’euros (près de 2 milliards F CFA) « lors de chaque transfert durant sa carrière exécuté en dehors des dispositions », Génération Foot fait encore plus fort. Dans l’article 4 du protocole co-signé par son président Mady Touré, on note qu’au cas où le joueur ne respecterait pas ce protocole d’accord, il devra payer à l’Académie Génération Foot la somme de trois cent dix mille (310 000) euros (environ 204 millions F CFA), en guise de « compensation à la renonciation à l’indemnité de formation ou de commissions d’intermédiation à laquelle l’Académie aurait droit lors de son premier recrutement par un club professionnel à l’étranger » mais également la somme de trois millions d’euros (près de deux milliards F CFA) en guise de compensation à la renonciation à l’indemnité de transfert à laquelle l’Académie a renoncé lors de son premier transfert ou recrutement par un club professionnel. »

 

Et ce n’est pas tout ! Le clou, c’est quand l’académie exige, au cas où le joueur changerait d’agent sportif ou d’intermédiaire, « pour quelque motif que ce soit et sans l’accord écrit de Génération Foot », le paiement de « la somme forfaitaire de quinze millions (15 000 000) d’euros » (près de 10 milliards F CFA), représentant le « dédommagement lié au non-respect du protocole d’accord », en plus de se réserver le droit « d’engager toute poursuite judiciaire qu’elle jugera nécessaire à l’encontre du joueur, de son nouvel agent et de son nouveau club. » En somme, un total de plus de 12 milliards F CFA pour le grenat qui oserait passer outre les termes de l’accord, pendant toute la durée de sa carrière amateur ou professionnelle. L’oncle du joueur dont nous avons obtenu la copie du contrat est un entraîneur de football. Les mots qu’il utilise témoignent de sa stupeur. « Je suis choqué. Comment peut-on obliger un joueur de se lier durant toute sa carrière professionnelle sous prétexte qu’on l’a formé ? Et si en retour le joueur demandait autant, 15 millions d’euros, au cas où il ne réussirait pas à devenir pro ? C’est pire que l’esclavage… »

TALLA FALL (RESPONSABLE COMMUNICATION GF) : « ILS ONT TOUS SIGNÉ ! OU TU ACCEPTES, OU TU VAS VOIR AILLEURS… »

Pour avoir confirmation de l’authenticité du document, nous avons contacté Talla Fall, fidèle allié de longue date de Mady Touré et responsable de la communication au sein de l’académie. D’emblée, il assure partager « entièrement les propos de Saër Seck » dans l’interview. « C’était une nécessité d’en arriver là et mieux, nous à Génération Foot, sommes à 100% de pensionnaires qui ont signé (ils sont plus de 120, ndlr). C’est simple : Ou tu acceptes nos conditions, ou tu vas voir ailleurs. On a déjà assez donné. Nous ne sommes plus dans l’obligation de prendre qui que ce soit », tranche-t-il. A propos du protocole, il détaille : « Celui qui n’accepte pas les termes, ou qui une fois qu’il aura signé ailleurs ne voudra plus les respecter sera libre de le faire en respectant la contrepartie qui est exigée, les 15 millions d’euros. »

Puis, il utilise les mêmes arguments que Diambars. « Nous investissons énormément pour ces gosses sans rien attendre en retour mais on n’acceptera pas que d’autres personnes viennent profiter de tout ce que nous avons bâti. Si l’agent respecte ce qui nous lie, pas de problème. Il prend qui il veut. Qu’il respecte le partage équitable. Ce que nous proposons est simple : On ne veut pas de l’argent du joueur mais pour ce que nous avons fait pour lui, s’il veut contracter avec un autre agent, ce dernier devra accepter qu’on exige 50% de la commission et on les engage pour dix ans », argumente-t-il, même si dans le protocole, il est clairement stipulé que le choix de l’agent appartient exclusivement à Génération et pour la durée, il ne s’agit, non pas de dix ans, mais de toute la carrière amateur ou professionnelle.

Autre argument, Talla Fall estime qu’il s’agit d’une stratégie de survie pour les centres. « Si on veut que nos structures deviennent pérennes, si on veut sortir d’autres Sadio Mané, Diafra Sakho et autres, il faut qu’on en arrive là. Il est temps qu’on inverse la tendance parce que sinon, ce sont tout le temps des agents véreux qui viennent faire miroiter aux gosses n’importe quoi pour les emmener dans des endroits où même toi et moi pouvons jouer. Regardez, tous nos joueurs qui étaient partis à Malte… Ils sont revenus… Ils se sont rendus compte de la supercherie. » À l’instar de Saër Seck, lui aussi s’en prend aux intermédiaires “venus de nulle part”. « Tous ceux qui s’agitent, ils étaient où quand nous nous battions pour donner la chance de réussir à Sadio Mané et autres ? Nous sommes fatigués d’investir pour des gens qui ensuite font preuve d’ingratitude. On prend des risques en gardant le gamin pendant 5 ans, on n’est pas sûr qu’il sera professionnel. Nous avons sacrifié nos vies pendant 20 ans pour que l’académie en arrive là. »

« C’EST FAUX DE DIRE QU’ILS LAISSENT PARTIR LES JOUEURS GRATUITEMENT ! CE QUE J’AURAIS CONSEILLÉ À SAËR ET MADY… », UN AGENT

Face à l’argument selon lequel les joueurs sont cédés gratuitement pour leur permettre d’avoir une chance de toucher au rêve du monde pro, nous lui demandons ce qui empêche d’être fermes sur ce point ou, tout au moins, de négocier de forts pourcentages à la revente suivante. « Nous le faisons. On négocie dans les pourcentages à la revente autour de 30% mais cela retourne dans les investissements. On ne cherche pas à faire du profit mais qu’on nous permette au moins d’avoir de quoi investir. Là, on voulait construire une piscine dans le centre, mais faute de budget conséquent, on est obligé d’attendre les miettes d’un éventuel autre transfert… Pendant ce temps, quelqu’un qui vient du néant prend toutes les commissions en attendant qu’on sorte un autre gamin. On ne l’acceptera plus. Ce qu’on exige, c’est 50% des commissions d’agent d’autant plus que dans ce qu’on y gagne, on reverse 10% aux parents du joueur. »

Nous avons également pris contact avec un autre agent de joueurs, établi en Angleterre. « Pour ne pas s’attirer les ennuis des patrons des centres de formations », il sollicite l’anonymat. « Je ne veux pas qu’ils m’empêche de traiter avec eux »… Pourtant, à bien des égards, son propos rejoint celui de Thierno Seydi : « La FIFA est la grande fautive dans cette histoire avec la libéralisation de la profession d’agent. Dans l’idée, on peut naturellement comprendre que le centre cherche à bénéficier du fruit de son investissement et dans ce sens, il est normal qu’il s’octroie une partie de l’argent issu de la commission d’agent mais tout ça doit se faire dans la limite permise par les textes et par la morale. L’idée peut être acceptable, mais l’approche est inconcevable. » Toutefois, ses réserves se comprennent quand il délivre son avis sur le sujet : « Déjà, j’aurais conseillé à Saër et Mady de laisser tomber la question des droits à l’image. Ça ne peut pas prospérer. Ensuite, c’est faux de dire qu’ils laissent partir les joueurs gratuitement. Ils peuvent les laisser partir sans contrepartie financière sur le premier transfert, mais à côté, ils réclament toujours un pourcentage à la revente qui avoisine les 50% et cette somme, associée à l’indemnité de formation et au mécanisme de solidarité, couvre très largement l’investissement réalisé sur le joueur. Il y a même un profit. »

Retrouvez notre interview avec Mady Touré, président de Génération Foot, réalisée au mois de mai dernier à Dény Biram Ndao dans les installations du club, après le deuxième sacre consécutif des Grenats, en Ligue 1 sénégalaise. Il est largement revenu sur les débuts de la structure fondée en 2000, l’état du football local, les ambitions, la place de l’éducation et de la formation professionnelle dans l’académie, l’impact dans le développement local, les projets d’extension, etc.

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