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En hissant le Sénégal à la 4ème place du dernier Mondial U20, Joseph Koto a certainement inscrit son nom au panthéon du football sénégalais, voire mondial. Pour autant, «Boud’chou» refuse de se voir plus beau qu’il n’est. Tout juste, admet-il, son tempérament de feu fait de lui un coach assez singulier. Pour Stades, Koto tire le bilan de sa campagne glorieuse en terre néozélandaise et promet le meilleur au Sénégal du foot

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«Je remercie tout le monde surtout ma famille qui m’a soutenu au moment où personne n’y croyait. Mes amis, que vous voyez là, ne m’ont pas lâché non plus. Je sais que tous les Sénégalais ont également prié pour nous. Je les en remercie profondément. Ça été très dur. Au départ, j’ai un peu évoqué la question de la préparation. Souvent, les gens pensent qu’on voulait jeter des pierres dans le jardin de certaines personnes ; tel n’est pas le cas. On n’a jamais eu l’intention de discréditer qui que ce soit. La préparation à ce Mondial U20 a commencé depuis deux ans. La Fédération a cru en nous. Quand on m’a remercié à la tête de l’équipe A, j’ai eu le soutien du Comité exécutif de la FSF qui m’a renouvelé sa confiance. Je pense que c’est normal parce qu’en équipe A, on n’a pas été ridicule ; mais jouer contre une équipe comme la Côte d’Ivoire qui est restée constante pendant six ans était forcément difficile. J’ai gagné tous les matchs à l’exception de la double confrontation face aux Éléphants.
Et, je le dis toujours, on était premier de notre poule. Mais tout ça est derrière nous. Après cette élimination par la Côte d’Ivoire, les dirigeants m’ont témoigné leur confiance et m’ont confié cette équipe des Juniors. Le travail a commencé par les Jeux de la Francophonie qui se sont joués à Nice. Le président et le Comité exécutif de la FSF m’ont invité à prendre part à ces joutes pour voir un peu le comportement des joueurs qui étaient alors sous les ordres d’Aliou Cissé. Depuis lors, je travaille avec ces jeunes. On a joué plusieurs tournois dont celui de l’UEMOA réservé aux seniors. On a joué le tournoi de l’UNAF avec les meilleures équipes des pays arabes. On a gagné la compétition. Après, on a été au Ghana pour jouer un tournoi difficile avant de s’incliner en finale contre le pays organisateur avec un arbitrage maison. Tous ces tournois nous ont permis de réussir une telle prestation.

«PERSONNE NE CROYAIT EN NOUS»

En nouvelle Zélande, notre bilan est plus que positif. Je vais vous raconter une anecdote : quand on quittait Dakar, nos billets retour étaient réservés pour le 8 juin 2015. C’est-à-dire le lendemain du dernier match de poule. Personne ne croyait à la qualification de l’équipe. Quand on m’a dit que la réservation était faite pour le 8 juin, j’ai rigolé parce qu’on était ce petit poucet qui ne connaissait pas grand-chose à cette compétition. Mais, je vous l’ai dit : on s’était bien préparé, tant sur le plan mental que physique. La préparation, ce n’est pas seulement d’aller à l’extérieur. Quand on a demandé d’y aller, c’était pour peaufiner les automatismes, jouer contre des équipes solides pouvant nous permettre de voir notre équipe dans toutes les circonstances. Ces tests grandeur-nature devaient nous permettre de mieux nous forger. À défaut de tout cela, nous sommes restés à Toubab Dialaw. Moi, je suis convaincu que le Sénégal pouvait avoir un meilleur résultat. Même contre le Brésil, on pouvait gagner. Mais l’équipe commençait à s’émousser, en montrant des signes de fatigue. Ils n’ont pas l’habitude de jouer des matchs rapprochés tous les deux jours avec des voyages d’avion incessants. Beaucoup de joueurs étaient fatigués et on avait neuf blessés. On a pioché parmi ces blessés les joueurs plus ou moins valides pour les faire jouer.

«C’EST APRES LE PORTUGAL QUE J’AI CRU A LA QUALIFICATION»

Après la défaite lors du premier match, j’étais encore plus motivé. Ceux qui me connaissent savent que je ne lâche pas le morceau facilement. Je suis un battant. Et je pense que les gens ne sont pas surpris par ce résultat parce que c’est mon tempérament. D’ailleurs, c’est cette valeur que j’inculque à mes joueurs. Donc, c’est après le match contre le Portugal que j’ai cru à notre qualification, parce que même étant vice-champion d’Europe, le Portugal a eu d’énormes difficultés pendant tout le match. Il faut reconnaître que le but matinal que nous avions encaissé ne nous facilitait pas la tâche. On avait la possibilité de revenir. Si on a pris le 2ème et le 3ème but, c’est parce qu’on y a cru. Pas une seule minute, je n’ai pensé qu’on pouvait perdre ce match-là. Malheureusement, dans les ultimes minutes de la rencontre, le sort était déjà scellé. Après cette première sortie, je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai visualisé la cassette de la rencontre, je me suis dit qu’on avait les possibilités parce que les joueurs étaient en jambes mais, comme ils découvraient la compétition, ils avaient beaucoup de pression.

«COMMENT J’AI BOOSTE MES JOUEURS FACE A LA COLOMBIE»

Mon discours était clair parce que c’était un match psychologique qu’il ne fallait pas perdre. Et c’est le même discours que j’ai tenu aux garçons contre la Colombie, parce qu’après une deuxième défaite d’affilée, on n’avait plus notre destin entre nos mains. J’ai dit aux joueurs : si vous avez envie de rentrer le 8 juin, il n’y a pas de souci, préparez vos bagages en attendant la troixième sortie qui ne serait qu’une formalité. Si vous croyez que, réellement, on peut jouer nos chances jusqu’au bout, on ne perdra pas ce match parce que la Colombie n’est pas meilleure que nous. On savait déjà à quoi s’attendre. Ce qui nous a permis de jouer ce match tambour battant. À 1-1, j’ai dit aux joueurs il faut qu’on s’arrête. Pour ça, j’ai fait des changements qui n’ont pas forcément plu. Au Sénégal, les gens ont critiqué parce qu’ils ne comprenaient pas pourquoi j’ai remplacé des attaquants par des milieux de terrain. C’était pour renforcer la défense pour ne pas prendre de but surtout que le match contre le Qatar devait être une finale pour nous. Je savais qu’on avait nos chances du moment que le Qatar n’était pas un foudre de guerre.

«L’IMPACT PHYSIQUE NOUS A ETE D’UN GRAND APPORT»

L’appétit venant en mangeant, nos joueurs se sont trenscandés jusqu’au bout. Pourtant, parmi eux, certains ont joué en deçà de leur valeur. Malgré tout, on a insisté sur eux parce qu’ils nous ont valu des satisfactions lors du dernier CHAN. Mais, face à l’émotion, on a décidé de changer de stratégie en insufflant du sang neuf à l’équipe et de la vitesse. Avec nos joueurs véloces, on s’est réorganisé au milieu du terrain pour refaire notre bloc qui faisait défaut en un moment donné. Ce bloc d’équipe nous a permis de contenir l’adversaire, pour après lui imposer notre impact physique. D’ailleurs, c’était une de nos forces. Tous les entraîneurs et journalistes qui étaient à cette compétition ont loué l’impact physique de l’équipe sénégalaise. C’est un aspect qu’on a beaucoup travaillé. Il fallait juste dérouler.

«IBOU SY, WAGUE, SARR, LOUM NDIAYE : CES MESSIEURS PLUS DE L’EQUIPE»

Pour parler de cette serie de penaltys contre l’Ukraine, je tire encore mon chapeau à Ibrahima Sy. Il m’a trouvé sur le banc de touche pour me dire : coach, tu as peur ? Je lui ai dit non. Et il continue : écoutes coach, moi j’arrête trois tirs et les gars vont eux aussi assurer leurs tirs, comme ça on est qualifié. Quand je lui ai dit vas te concentrer, il m’a dit non ne te fais pas de souci. À la fin de la rencontre, j’ai dit que ce garçon est formidable. Dans l’ensemble du tournoi, des garçons comme Ibou Sy, Wagué, m’ont beaucoup marqué. Sur le plan offensif, Moussa Wagué a été époustouflant bien qu’il soit arrière latéral. Pourtant, il a connu des blessures en un moment donné. D’ailleurs, c’est pourquoi on a été fragilisé dans l’axe. Il y a aussi Mouhameth Sané qui a été super même si, sur le penalty causé, il pouvait éviter le tacle. On lui a toujours dit de ne pas se coucher dans la surface de réparation. À part la faute de jeunesse qu’il a commise, je dis que Mouhameth Sané a été impérial. La preuve, son absence contre le Brésil a beaucoup pesé sur la défense. Sa suspension nous a causé beaucoup de difficultés. Il n’y avait pas d’automatisme entre Andalinou Correa et Elimane Cissé. Leur duo n’a pas bien fonctionné. Mais tant que Sané était dans l’axe, j’étais tranquille. Elimane aussi a été très bon avec sa taille. On n’oubliera pas Loum Ndiaye dans l’entrejeu. Lui qui, avec sa taille, n’hésite pas à aller au charbon. On a d’ailleurs manqué l’abattage au milieu du terrain quand on a perdu Loum Ndiaye. Pour Sidy Sarr, je dis qu’il a été l’homme à tout faire de l’équipe. J’avoue que si aujourd’hui Sidy Sarr partait, je ne serais pas surpris. Il a été bon à tous les postes auxquels il a évolué, même s’il a commis quelques erreurs de jeunesse. Mais, c’est un garçon qui apporte beaucoup à cette équipe.

«FACE AU BRESIL, ON A ETE VICTIME D’EXCES DE CONFIANCE»

Avec le président Augustin Senghor, on a continué à parler aux joueurs pour les motiver davantage. Il y avait un excès de confiance chez eux parce que les joueurs pensaient qu’ils allaient passer tranquillement face au Brésil. Et, sur ce match-là, on avait beaucoup de joueurs à l’infirmerie. On était obligé de gérer. Même Ibou Sy avait une béquille, il est resté deux jours sans s’entraîner. Mais, vous savez, le poste de gardien est tellement névralgique qu’on ne change pas comme ça. Ce n’était pas évident de mettre un autre gardien. Avec le médecin, on a géré. Mais face au Brésil, c’est ce but matinal concédé qui nous a plombés. Il a complètement cassé le moral de l’équipe. Habitués à cette compétition, les Brésiliens nous ont bien observés. Ils ont cerné nos latéraux en les empêchant de jouer avec un pressing constant. Par manque d’expérience, on a donné des ballons faciles à l’adversaire et cela nous a été fatal. En première période, on a pris quatre buts et un en deuxième mitemps. À dix, on a eu les meilleures occasions du match. Si on les avait concrétisées, ça serait autre chose.

«MODESTIE A PART, MON PALMARES PARLE DE LUI-MEME»

Aujourd’hui, j’ai une satisfaction personnelle. Tout coach aimerait se retrouver à ce niveau de la compétition. Je rends grâce à Dieu Qui m’a permis d’avoir ce résultat. Vous savez, en dehors du travail, il y a le facteur chance qui intervient chez un entraîneur et dans une équipe de football. Tous les entraîneurs apprennent de la même façon. Le tempérament de l’entraîneur compte, et moi je fais partie des entraîneurs de feu au Sénégal. Interrogez mes joueurs. Je ne pardonne rien et je regarde tous les détails dans mon équipe. Il y a également la chance. Souvent pour chambrer mes amis, je leur dis que je m’appelle Marie Joseph. Donc, je suis protégé par la Vierge Marie et par Saint Joseph (Éclats de rire). Je pense qu’on a beaucoup travaillé pour arriver à ce stade. Lors du CHAN, quand on a perdu le premier match contre le Nigeria, les gens ont tout dit. Mais, on est resté concentré sur notre sujet. Aujourd’hui, modestie à part, tout le monde connaît mon palmarès. Avant cette  Coupe du monde, j’ai gagné deux fois le tournoi de l’UEMA, j’ai joué des finales. J’ai qualifié le Sénégal au CHAN. J’ai joué une demi-finale et une finale de CHAN. Avec Mayacine Mar, nous avons gagné le tournoi de la LG Cup sans oublier celui d’Amilcar Cabral. Si je ne suis pas à une autre station plus élevée, c’est parce que Dieu l’a voulu ainsi. Je suis un croyant. De toutes les façons, je me suis donné les moyens de mes ambitions, c’est d’aller étudier jusqu’au bout. Aujourd’hui, j’ai des diplômes pour pouvoir entraîner toutes les équipes du Sénégal. Si demain on me demandait d’aller prendre les Cadets ou les Minimes, je le ferais sans problème.

«METTRE L’ACCENT SUR LA DETECTION DE TALENTS»

Tout dépend des autorités. Moi, je suis bien avec cette équipe des Juniors. Tant qu’on ne me demandera pas d’aller dans une autre catégorie, je continuerai à travailler. Maintenant, je vais mettre l’accent sur la détection des talents parce que dans cette équipe U20, il ne me reste que six joueurs. Il me faut faire beaucoup de prospections au niveau des équipes cadettes. Je réfléchis, avec les entraîneurs, pour superviser ensemble les valeurs montantes. Les régions ne sont pas exclues, parce que, maintenant, on n’a plus le droit de ne pas se qualifier à cette compétition.

«CE QUE J’AI DIT AU CHEF DE L’ETAT»

Je n’aime pas tellement parler d’argent, par principe. Imaginez que ça fait vingt sept mois que nous ne sommes pas payés. La Fédération, pour nous stabiliser durant la compétition, a décidé de nous désintéresser. Quand on rencontrait récemment le président de la République, je lui disais : «en présence de Dieu, je ne m’adresse pas aux apôtres». J’ai sensibilisé le président de la République sur notre situation. Séance tenante, il a demandé que la situation soit réglée et le ministre des Sports était dans les dispositions de régler cette affaire- là. Mais, pour les retombées, la prime du chef de l’État a été remise hier, (avant-hier). Pour le reste, on attend que la FSF reçoive sa part. L’un dans l’autre, je pense que la motivation est importante. Je ne parle pas d’argent, mais plutôt des conditions. Pour cela, je pense qu’il faut mettre toutes les commodités à Toubab Dialaw qui reste un bon lieu de retraite pour un bon travail».

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