19 July 2019, Egypt, Cairo: Senegal's national team coach Aliou Cisse reacts in frustration to defeat after the final whistle of the 2019 Africa Cup of Nations final soccer match between Senegal and Algeria at the Cairo International Stadium. Photo: Omar Zoheiry/dpa (Photo by Omar Zoheiry/picture alliance via Getty Images)
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Encore une fois, le Sénégal échoue au moment on l’attendait le plus. Difficile de ne pas tenir un discoursémotif en analysant les raisons de cette défaite, mais il faut le faire avec lucidité et recul pour sérieusement faire une analyse efficace.

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Sans tarder nous allons rentrer dans le vif du sujet, une dernière fois pour toute. Nous n’allons pas nous attarder sur les faits du match d’hier, car la seule conclusion à tirer est que la réalité est simplement venue frapper à la portede façon brutale. Quelle réalité ? Celle des sérieuses lacunes dans le dispositif technico-tactique, dans le choix des hommes, dans l’analyse des petits détails et péripéties des matchs précédents de l’équipe, et finalement l’incapacité criante du staff à apprendre de ses erreurs du passé. Les problèmes au sein de l’effectif et dans le dispositif tactique mis en place par Aliou Cissé ont déjà été soulevé dans plusieurs articles depuis l’échec du Mondial, donc nous ne reviendrons pas dessus.

 

Le “damage control” nécessaire pour l’équipe d’Aliou Cissé

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Axe central des Lions : Kara ou Sané ? Les stats parlent d’elles-mêmes    

 

Coupe du Monde terminée : Les raisons d’une élimination prématurée

Équipe Nationale – Le meneur de jeu : un faux débat ?

Voici un TLDR basé sur les articles précédents, avec les points importants qui ont entrainé cet énième échec.

 

1. Le staff technique aurait dû être, au minimum, renforcé de façon significative après l’échec de l’élimination au premier tour de la Coupe du Monde 2018, car la manière dont l’équipe a été éliminée a révélé de sérieuses lacunes techniques dans les décisions du staff.

 

« Nous n’avons aucun regret. Nous avons ramené le Sénégal à la Coupe du Monde pour la première fois depuis 2002. »

Cette déclaration qui faisait guise de bilan après Russie 2018 fut une déclaration très dangereuse pour une analyse post-coupe du monde. Ceci est loin d’être un succès car avec les joueurs que le Sénégal possède aujourd’hui, ne pas se qualifier dans une poule avec l’Afrique du Sud, le Cap Vert et le Burkina aurait été un échec total. Le véritable succès aurait été de sortir de la poule extrêmement abordable dans laquelle le Sénégal était logé et dans laquelle le Sénégal a même débuté par une victoire. Se faire éliminer face à la Colombie 1-0 (qui est d’ailleurs le SEUL score qu’il fallait éviter, car une défaite 2-1, 3-2, 4-3 ou 5-4 qualifiait le Sénégal car on aurait marqué plus de buts que le Japon) est tout simplement inacceptable.

« Pas de déception. Nous avons ramené le Sénégal en finale de la CAN pour la première fois depuis 2002 »

 

Cette déclaration (qui sera inévitable de la part du staff technique après la défaite d’hier) devra être analysée avec beaucoup plus de lucidité car elle cachera aussi des défaillances importantes. Arriver en finale est une chose, mais y arriver en battant la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda et le Bénin en est une autre. Le Sénégal n’a pas battu la Tunisie, car les Tunisiens ont marqué dans leur propre camp, et l’Algérie a battu le Sénégal à deux reprises dans le temps règlementaire dans cette compétition. Finale ou pas, ce bilan est tout simplement inacceptable au vu des joueurs dans cette équipe du Sénégal. Le staff d’Aliou Cissé est donc incapable de battre une équipe qui a le même niveau que le Sénégal ou qui est objectivement un cran au-dessus.

2. L’équipe est effectivement morte avec les idées inchangeables de Cissé. La non-sélection de Kara Mbodj était un coup dur direct à la capacité de renforcer le mental de l’équipe, la hargne, la grinta, le leadership et l’assurance en défense. L’axe Kara-Koulibaly a disputé 17 matchs et encaissé 4 buts. L’axe Sané-Koulibaly a disputé 10 matchs et encaissé 8 buts. Sané aura, encore une nouvelle fois, été forcé jusqu’au bout, et même en finale, alors qu’il n’est pas un défenseur central de métier. Son tacle défensif en catastrophe de milieu de terrain (car un axe central doit défendre debout) face àl’Algérie a malheureusement entrainé le but algérien. Depuis l’après Coupe du Monde, on dit d’avancer Sané en sentinelle et de ramener Kara dans l’axe ce qui n’a pas été fait. Le bilan défensif du Sénégal dans cette CAN est peut-être bon sur le papier, mais ce n’est pas comme si les petites équipes qui étaient sur le chemin des Lions avaient des chances d’inscrire beaucoup de buts. L’Algérie, seule équipe de niveau similaire, a réussi à mettre deux buts au Sénégal, tandis que le Sénégal n’a même pas pu leur en mettre un. C’est en réalité, un bilan défensif moyen.
3. Idrissa Gana Gueye est un milieu défensif ou, au pire,relayeur mais pas un box-to-box. D’ailleurs en club, son rôle n’a jamais été de jouer comme box-to-box. Le staff a fait la grossière erreur de lavancer en milieu central gauche pour laisser les tâches défensives de sentinelle à Pape Alioune Ndiaye. On a d’ailleurs l’impression que le staff ne connaît pas la véritable nature de ces deux joueurs. L’étendue de fonction de Gana Gueye devait ou aurait pu s’arrêter à un rôle de sentinelle/regista positionné devant l’axe centrale, vu que globalement il est le meilleur milieu de terrain de l’équipe et qu’il a (avec Alfred Ndiaye) la meilleure qualité de passe courte et longue des milieux de terrains de l’équipe. Malheureusement, le meilleur milieu sénégalais n’a même pas été mis dans les meilleures dispositions, raison pour laquelle il pouvait bien jouer face à des adversaires moyens (Ouganda, Bénin) mais péchait face à des équipes un peu plus corsées (Tunisie, Algérie). Avec un milieu centrale gauche et un milieu central droit devant lui pour le protéger et lui permettre d’organiser le jeu de derrière et en même temps ratisser les ballons, ce qui est son point fort, (rôle de deep-lying playmaker) on aurait vu le potentiel de Gana exploité au maximum, chose non faite dans cette CAN. Le vrai box-to-box dans cette équipe est d’ailleurs PAN, qu’on a restreint à un travail de sentinelle, raison pour laquelle il effectuait de nombreuses pertes de balles devant la défense puisqu’un milieu box-to-box cherche à toucher le ballon le plus possible, et donc s’il va les perdre doit les perdre loin de sa défense.

4. Donner le capitanat à Cheikhou Kouyaté était un des choix les plus inexplicables du staff. Kouyaté n’est ni un meneur d’homme naturel, ni un leader technique. Ce n’est pas pour rien qu’il n’a jamais porté le moindre brassard en club. Une image que le staff n’a pas analysée fut le penalty raté par l’Afrique du Sud à Dakar lors de la dernière journée des éliminatoires du Mondial 2018. Zwane rate le cadre, et Kouyaté, pris par l’émotion, s’en va sauter dans les bras du gardien Gomis, qui n’a même pas arrêté le tir, alors que le Sénégal n’est toujours pas à l’abri. Le vrai leader, Kara Mbodj, zappé pour cette CAN, s’en va prendre le ballon, et haranguer le reste des troupes, car le match est loin d’être terminé. C’est lui qui ira catapulter la balle au fond des filets à la dernière seconde pour donner la victoire à son pays. Le manque de capacité d’analyse du comportement et de la psychologie des joueurs au sein du staff aura couté cher.

 

5. Pour finir, un point très important qui aura également couté cher : la mise en avant du collectif et de l’entente de tout le groupe, au détriment de la capacité individuelle et du dépassement de soi. Peut-être est-ce symptomatique de la mentalité sénégalaise depuis l’indépendance, basé sur le socialisme, le «na nyepeu bokk » ou encore l’intérêt du groupe avant l’intérêt de l’individu. Si on regarde l’indice des dimensions culturels de Hofstede, la société sénégalaise a un score de 25% dans la catégorie de la dimension individualiste de la société, tandis que des pays très développé comme la France (championne du Monde en football par exemple) ou les Etats-Unis (première puissance mondiale) ont des scores de 71% et 91% respectivement. Inévitablement, pour que le Sénégal avance, et ce dans tous les domaines et pas uniquement le football, il faudra augmenter la volonté de tout un chacun d’aller de l’avant et de se dépasser pour soi-même d’abord, ce qui tendra inévitablement vers l’intérêt commun du groupe, plutôt que de regarder d’abord l’intérêt du groupe et de déterminer l’intérêt de chacun, sur la base de celle du groupe.

Pour revenir au football, on essaie de dire que dans une équipe qui gagne une compétition, certains joueurs doivent clairement et nettement être plus important que d’autres, et mis dans les dispositions adéquates pour justement atteindre le maximum de leur capacitésrespectives. Il faut déjà un onze de départ clair et net, chose que les algériens, par exemple, ont déterminé dès le début du tournoi. Si on change de latéral droit au court du tournoi, c’est qu’on tâtonne (Wagué qui sort, Gassama qui rentre). Si on change de milieu de terrain titulaire définitivement au court du tournoi, c’est qu’on tâtonne (Krépin qui sort, Saivet qui rentre après une traversée du désert inexplicable d’un an avant de revenir en sélection). Si le capitaine désigné de l’équipe est un remplaçant qui est rentré en jeu in extremis pour pallier la blessure d’un titulaire, c’est qu’on tâtonne (Sané qui sort sur blessure, Kouyaté qui rentre).

 

En conclusion, on tâtonne toujours dans cette équipe du Sénégal, alors qu’on croyait que l’équipe était arrivée à maturité. On nous dira encore que les joueurs et le staff ont « appris de leurs erreurs », mais comment croire ces déclarations. José Mourinho était un traducteur, Hervé Renard n’a jamais joué au haut niveau. Ce n’est pas parce qu’on est footballeur, ou qu’on a été footballeur de haut niveau qu’on a le monopole de l’analyse footballistique.Mettons définitivement les hommes qu’il faut à la place qu’il faut autour de l’équipe (fédération, staff) et au sein de l’effectif.

 

Abdoulaye SARR

3 Commentaires

  1. Super article… à lire avec beaucoup de recul et pragmatisme pour celles ou ceux qui comprennent bien entendu d’abord le… français et ensuite qui ont une connaissance minimale du foot de haut niveau.
    Presque tout a été dit dans cet article pour expliquer cette nouvelle defaite ou désillusion en finale.
    Et pourtant comme le sieur Abdoulaye SARR auteur de cet article ce n’est pas faute d’avoir averti dans des articles précédents qu’il cite dans cette dernière contribution.

  2. Mais quelle analyse! Vouz avez tout dit. L’équipe du Sénégal manque toujours de determination et courage lorsqu’elle afronte les équipes arabes comme la Tunisie et l’Algerie. Il nous faut desormais un entraineur qui puisse surmortiver nos Lions et leur enlever cette peur qui sort de je ne sais pas où. Mais plus important encore, il nous faut un entraineur qui sache a qui donner le brassard. Kouyate n’a ni le charisme et ni la carrure d’un capitaine!
    Je viens juste d’apercevoir cette article datant d’il y a presque un mois, et je tiens a vous remercier Monsieur Abdoulaye Sarr pour votre profonde analyse et connaissance du football Sénégalais.

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