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Cinq ans ! C’est l’âge du professionnalisme lancé en 2009 au Sénégal. Et ce n’est, peut-être, pas encore l’âge adulte, mais c’est quand même un temps requis pour se métamorphoser. Quelle mutation les clubs ont-ils connue ? Ont-ils réellement changé de statut ? Sont-ils réellement entrés dans le professionnalisme ? C’est, en somme, l’objet d’une série d’enquêtes que nous entendons mener sur le terrain. Et c’est dans ce cadre que nous avons fait une descente sur le terrain, pour faire l’état des lieux.L’Us Ouakam étant l’un des quatre lauréats de ce challenge, le choix s’est porté sur ce club pour ouvrir cette série.
Au constat, le chantier reste encore énorme. Le club du village lébou tarde encore à se départir de l’amateurisme, mais ses responsables soutiennent avoir concocté d’ambitieux projets pour répondre aux exigences du professionnalisme. Pour les réaliser, il leur faut naturellement de l’espace pour construire des infrastructures, mais aussi et, surtout, trouver les moyens financiers pour les concrétiser. Une équation à plusieurs inconnues, mais les responsables se veulent rassurants et confiants malgré le défaut de soutien de l’Etat comme cela se fait ailleurs dans d’autres pays pour accompagner ce genre d’initiatives. De l’espace, les Ouakamois disent en disposer même s’il reste encore quelques formalités à régler. Premier club à avoir remporté le championnat sous sa formule classique (poule unique), en 2011 et troisième lauréat au palmarès dans l’ordre après la Linguère et le Diaraf, l’Us Ouakam est l’un des clubs qui tirent leurs forces de leur base populaire.
Un avantage non négligeable si tant est que ce douzième homme joue sa participation sur le plan financier. Ce qui est pour l’instant le cas, d’après l’assurance des dirigeants du club. De bon augure pour l’avenir du club, même si les choses avancent difficilement.

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US OUAKAM : Des projets pas encore totalement ficelés
Troisième club à avoir remporté le championnat sous sa formule professionnelle, une première à son palmarès, l’Us Ouakam tarde encore à se démarquer du statut amateur. Pas encore d’infrastructures dignes d’un club pro, cinq ans après l’avènement du professionnalisme. Mais le club a des projets à réaliser d’ici deux ans, d’après les prévisions des dirigeants.
« Le football professionnel au Sénégal n’est pas encore développé, il n’y a que le nom ». C’est l’excuse du secrétaire général de l’Us Ouakam, Pape Doudou Thiam, pour justifier le retard accusé par son club dans sa mutation de l’amateurisme au professionnalisme. Et pour se défendre, il rappelle que la Ligue sénégalaise du football professionnel n’a pas encore son propre de siège. C’est, d’ailleurs, l’une des principales priorités de Saër Seck, le nouveau président de ladite structure. Naturellement, se doter d’un siège fait partie des priorités du club de Ouakam. Et d’après M. Thiam, « le seul changement noté dans le professionnalisme, c’est la formalisation des salaires aux joueurs que nous ne mettions pas sur papier et la création de sociétés éventuelles pour satisfaire aux conditions posées par les textes de la Ligue professionnelle ». En fait, pour rappeler que cela n’est pas une nouveauté, le secrétaire général du club ouakamois soutient que « les salaires ont toujours été payés depuis des années » à l’Us Ouakam. Pour régler les besoins ponctuels, le club compte sur les transferts de ses produits. Cette année, M. Thiam révèle que son club a « vendu » 8 joueurs pour renflouer ses caisses. Les autres sources de financement proviennent de la « contribution de la collectivité léboue, celle du maire et des cotisations des membres et des partenaires, de temps en temps ». La contribution des collectivités léboues est estimée à « 10 millions de FCfa environ », alors que la participation des membres « tourne autour de 5.000.000 de FCfa. A l’instar du siège qui est encore à l’état de projet, le club ouakamois a aussi l’ambition de se doter de son propre stade dans le moyen terme. D’après le secrétaire général du club, la maquette « est déjà disponible. Les travaux n’ont pas encore démarré, mais nous avons l’ambition de le terminer d’ici 2015. Nous avions soumis le projet au président Abdoulaye Wade qui avait donné son accord pour la réalisation du stade de la Renaissance et la mise à notre disposition d’un bus. Il se trouve aussi que la mairie de Ouakam a mis à notre disposition un terrain de 500 m2, mais nous attendons toujours le bail pour pouvoir construire notre siège ».
Complexe sportif pour développer les autres disciplines
Pour pérenniser les sources de financement du club, la communauté léboue du village de Ouakam a accepté de mettre à la disposition du club un vaste domaine de 3 hectares pour construire un complexe sportif sur la Voie de dégagement nord (Vdn). Dans ce complexe, outre toutes les disciplines sportives encadrées par le club, le loisir y aura sa place. En fait, à l’Uso, « il n’y a pas que le football », insiste M. Thiam. « Il y a aussi la gestion de la petite catégorie en football, la natation, l’athlétisme, le basket », résume-t-il.
En dehors du sport-roi, d’autres disciplines ont aussi apporté des satisfactions au club, dans le passé. Et c’est le cas du basket. En effet, « Ouakam a gagné à deux reprises la Coupe du Sénégal de basket (Coupe Mme Abdou Diouf en 1986 et Coupe du Sénégal en 2009, toutes les deux en Dames) », rappelle M. Thiam qui soutient qu’en athlétisme, « nous avons gagné beaucoup de médailles, en natation aussi, de même qu’en tennis de table. Donc, toutes ces disciplines nous devons continuer à les gérer, à les encadrer au niveau de l’association. C’est de notre devoir. Et ce complexe doit servir de base arrière aux différentes disciplines pour une meilleure organisation et permettre aux Sénégalais qui voudraient faire du sport dans un cadre idéal de pouvoir le faire. Il y aura également des parcs où les gens pourront se promener, des restaurants ». Mais pour démarrer le chantier de ce complexe situé sur la Vdn en face de l’Océan, il faut des moyens importants. Des moyens que les Ouakamois comptent trouver avec le concours de leurs partenaires. « Nous n’avons pas encore trouvé les moyens pour le construire, mais nous travaillons avec des partenaires, et j’espère que d’ici 2015, ce complexe verra le jour », rassure, en effet, M. Thiam.

Uso, club modèle
A l’image de Niary Tally, Pikine et Casa Sports, l’Uso est l’un des rares clubs qui jouissent d’une base populaire. Le club du président Omar Guèye Ndiaye présente tous les atouts d’un club d’avenir dans ce professionnalisme. Sur les murs du village de Ouakam et les troncs d’arbres et autres supports, des messages de soutien au club sont affichés. Outre les larges banderoles de soutien accrochées sur les grilles du stade Demba Diop, dans les gradins, les dynamiques supporters du club arborent le maillot du club pour booster le moral de leurs favoris sur le terrain.

Omar Guèye Ndiaye, président du club : « Si l’Etat ne fait rien… » 
Son club est le premier à remporter une épreuve classique du championnat professionnel en 2011. Mais, après cinq ans d’expérience professionnelle, l’Us Ouakam tarde encore à se départir de l’amateurisme. Les projets pour la mutation sont pourtant présents, mais les moyens manquent pour les réaliser, selon le président Omar Guèye Ndiaye.

Président, le football sénégalais entre dans sa cinquième année de professionnalisme. Qu’est- ce que votre club a pu glaner comme acquis ?
C’est une question très pertinente mais difficile à répondre. Je vais quand même tenter de répondre en plusieurs étapes. La première, c’est sur le plan sportif. C’est vrai que le professionnalisme nous a permis d’avoir une meilleure organisation sportive, d’avoir une touche plus professionnelle en termes de préparation des joueurs au niveau médical et administratif. C’est ce qui nous a permis d’avoir de meilleurs résultats pour ne citer que le titre de champion du Sénégal remporté en 2011. Mais sur le plan des projets et des infrastructures, le résultat est très, très insuffisant pour ne pas dire inexistant pour l’instant. A Ouakam, nous sommes encore au stade des projets que nous avons identifiés sur le plan stratégique … pour réellement basculer dans le professionnalisme. Le premier, c’est d’avoir un stade fonctionnel. La maquette a été produite par un cabinet d’architecture, le budget tourne autour de 980 millions de FCfa, donc arrondi à 1 milliard, mais pour l’instant, nous sommes en quête de financement pour pouvoir démarrer les travaux. Le deuxième projet, c’est celui d’un centre de développement sportif. Le terrain est déjà identifié et se trouve dans le domaine maritime et appartient à l’Etat du Sénégal, mais localisé dans la zone de Ouakam. Nous avons donc initié des démarches pour pouvoir avoir une partie de ce domaine pour y construire un centre de développement sportif pour développer certaines disciplines sportives et y construire un centre d’hébergement, un hôtel fonctionnel…
La mairie nous a aussi offert un terrain de 500 m2 pour construire le siège du club, mais pour l’instant, nous n’avons pas encore reçu les papiers. Disons que, présentement, nous avons planifié beaucoup de projets qu’on veut réaliser, mais au niveau de la réalisation on est encore au stade de la recherche de moyens. En résumé, nous avons des projets et nous attendons d’avoir des moyens pour les réaliser. Pas encore de projet qui a démarré malgré toutes les idées qui ont été consignées sur le plan stratégique depuis l’année 2008.

En parlant de moyens, votre club a déjà remporté le championnat en 2011 et a donc reçu la cagnotte mise en compétition. Est-ce que ce pactole est suffisant pour développer un club ? 
Excellente question ! Je suis un président de club et, en même temps, dirigeant du football en tant que membre de comité directeur de la Ligue sénégalaise du football professionnel. Il faut reconnaître que le montant de la cagnotte est très, très insuffisant (20 millions de FCfa, Ndlr). La récompense du champion ne permet même pas de couvrir le budget de l’année. Pour être champion au Sénégal, il faut, au moins, débourser 80 à 100 millions de FCfa. Les dépenses engagées ne sont même pas couvertes. Le quart n’est pas couvert par la cagnotte. Ainsi, les clubs s’appauvrissent année après année. Il est impossible, dans un modèle économique viable, que le champion ne puisse pas gagner, au moins, ce qu’il a engagé comme dépense pour remporter son titre. C’est l’écosystème global et l’économie du football au Sénégal qui font que les clubs ont du mal à devenir professionnels tant que certaines questions ne sont pas réglées. Surtout la question que vous venez de poser.

Dans ces conditions, ne pensez-vous pas que c’est l’avenir du professionnalisme au Sénégal qui est menacé ? 
« En tous cas, si rien n’est fait au niveau de l’Etat, comme cela se fait partout dans les pays qui ont l’ambition de développer leur football à la base, en l’occurrence le Gabon, le Cameroun, et dans les pays du Maghreb, la menace est bien présente. Si l’Etat ne met pas la main à la pâte, ou n’incite pas les entreprises locales à investir dans le football, je pense, effectivement, qu’il y a lieu de s’inquiéter quant à l’avenir du professionnalisme au Sénégal.

Aide de l’Etat : La Ligue n’a pas encore saisi les autorités
L’aide de l’Etat serait la bienvenue pour accompagner les clubs dans leur aventure du professionnalisme. Mais, depuis cinq ans, elle est toujours attendue. Alors, à qui la faute ? Les clubs à travers la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp) ont-ils officiellement manifesté cette doléance à l’Etat ? Le nouveau président de la Ligue, Saër Seck, se veut franc. « La Ligue n’a pas encore officiellement saisi l’Etat à ce sujet. Du moins, le nouveau bureau de la Ligue professionnelle », précise M. Seck. Mais « il y a un dossier qui est en cours de préparation », rassure le patron de la Lsfp. Et « dès qu’il sera prêt, la Ligue va le valider et l’Etat sera saisi sur la base d’un dossier officiel qui sera déposé sur la table des autorités ». A la question de savoir si l’ancien bureau n’avait pas pris les premiers contacts, le patron de Diambars préfère dégager en touche. Pour la simple et bonne raison qu’il n’est « pas comptable de l’ancien bureau » puisqu’il « n’était pas » dans ce bureau. Toutefois, il sait « qu’il y avait beaucoup de contacts qui étaient pris avec les autorités, mais l’ancien bureau n’avait pas pu décrocher quelque chose de l’Etat ; il nous appartient à nous de reprendre en main ce dossier, de le valider, de le mettre à jour et ensuite de le déposer au niveau de l’Etat », promet-il. Quand ? « C’est en cours et dès que ce sera prêt, le bureau va le valider et on le déposera au niveau des autorités. On se donne le temps de faire un bon dossier », répond-il d’un ton ferme et rassurant.

BAYE OMAR NIASSE : « Rien n’a changé dans la façon de s’entraîner » 
Il fait partie des doyens du club. International, Baye Oumar Niasse est de la génération qui a remporté l’unique titre des Ouakamois en championnat en 2011. Il est donc bien placé pour apprécier le professionnalisme dans son club. S’il a noté « des progrès sur certains aspects » sur d’autres, il trouve qu’« il y a du recul ». En somme, il reconnaît que le professionnalisme n’est pas effectif. En tout cas, cinq ans après l’avènement du professionnalisme, « nous ne pouvons pas dire que c’est acquis à 100% », constate l’international du club ouakamois. A titre d’exemple, il se réfère au mode de gestion des clubs par les administratifs qui, à ses yeux, a connu des progrès. La régularité des salaires, est aussi un autre acquis que l’attaquant de l’Uso a retenu. Le coté négatif, c’est sur le terrain que Baye Oumar Niasse le situe. A l’instar de son entraîneur, il déplore, en effet, le défaut de matériel pour s’entraîner. « Par rapport aux entraînements, il y a du recul. Rien n’a changé dans la façon de s’entraîner. Le matériel manque, nous nous débrouillons avec les moyens du bord, alors qu’aujourd’hui, nous devions être à un certain niveau avec le professionnalisme. Les conditions de travail sont difficiles, avec toutes les conséquences au plan des résultats ».
L’international ouakamois déplore également l’état du stade Demba Diop qui abrite « presque toutes les rencontres de Dakar et dont l’éclairage est loin d’être à la hauteur d’un football professionnel ». Autant de raisons qui le poussent à constater « qu’on n’est pas encore sorti de l’amateurisme ». Figurant parmi les doyens du club, Baye Oumar Niasse jure que « les joueurs n’ont jamais connu des problèmes de salaires. Les salaires et les primes ont toujours été payés. Franchement, au niveau des engagements, pas de problèmes », reconnaît-il.

JOSEPH SENGHOR, COACH  : « C’est de l’amateurisme amélioré » 
A l’Us Ouakam, autant sur le plan administratif les vieilles habitudes tardent à disparaître, autant sur le terrain les techniciens attendent encore les moyens adaptés au professionnalisme pour travailler.
La transition de l’amateurisme au professionnalisme n’est pas facile. A l’Union de Ouakam, le constat est bien réel. En fait, pour reprendre les propos de Joseph Senghor, « le professionnalisme du football au Sénégal, c’est de l’amateurisme amélioré ». Parce que pour être professionnel, le technicien du club ouakamois souligne qu’il y a « beaucoup d’exigences » auxquelles « beaucoup de clubs ne répondent pas ». Et s’il salue l’effort des dirigeants et des décideurs qui ont initié le professionnalisme dans le football sénégalais, il reconnaît « qu’il faut encore du temps comme dans tous les pays » pour bien installer le professionnalisme. A titre d’exemple, il met particulièrement l’accent sur la question des infrastructures, premier problème à régler pour travailler. Joseph Senghor ne perd cependant pas d’espoir. Il « pense qu’avec le temps, cela va venir, mais cela ne se fera pas en deux ni trois ans ».   Sur le plan social, le coach de l’Uso pense aussi que « c’est mieux que ce qui se faisait avant, puisque maintenant les joueurs ont des contrats de travail.
Ils ont leurs salaires, même si ce n’est pas payé régulièrement pendant toute l’année ou bien tous les deux ans, parce que c’est durant la saison, c’est-à-dire que c’est pendant la compétition qu’on paye les joueurs. Et pendant les vacances, j’ai fait des enquêtes, beaucoup de clubs ne payent pas leurs joueurs. Donc tout cela, ce sont des tares de notre professionnalisme. Les terrains d’entraînement laissent à désirer », déplore-t-il. En fait, contrairement à certains clubs de la banlieue dakaroise qui disposent de terrain fonctionnel comme Pikine, l’Uso est contraint de recevoir hors de ses bases, faute d’infrastructure digne de ce nom. Son terrain n’est même pas propice à un entraînement de qualité, il y a partout des cailloux et du sable. « On ne peut pas s’entraîner toute une semaine sur du sable et aller jouer sur du gazon synthétique. Il y a des adaptations à faire. C’est très difficile », reconnaît-il. De manière générale, Joseph Senghor a son idée pour réussir la transition de l’amateurisme au professionnalisme. Rappelant que le football sénégalais est encore à l’heure du mécénat, il souhaite que les partenaires et les entreprises accompagnent les clubs dans leur aventure professionnelle. « Il reste beaucoup de choses à améliorer pour aider les mécènes qui sont dans les clubs, mais on ne peut que louer l’effort de ceux qui ont décidé de passer au professionnalisme ».
En termes de conditions de travail, il regrette que « c’est loin, loin de l’idéal, pour faire des performances. Depuis que je suis là, on m’a dit que le matériel de travail devait être là depuis le mois de janvier. Nous sommes au mois de mars et j’attends toujours. J’espère que ça va arriver. J’ai espoir. Dans un professionnalisme sérieux, cela devait arriver trois mois avant le démarrage du championnat. Avec le début de la compétition, j’ai fait l’inventaire et les besoins en matériel. J’ai fait mes demandes que j’ai introduites au niveau du secrétariat … J’espère que cela va arriver d’un moment à l’autre ». En attendant, il se débrouille « avec les moyens de l’année dernière ».
Par ailleurs, l’Us Ouakam fait partie des clubs qui ne connaissent pas de remous, notamment des mouvements d’humeur des joueurs pour cause de retard de salaire. Et pour expliquer cette stabilité, le coach soutient que son club « ne fait pas des folies comme certains clubs qui payent des salaires de 500.000 FCfa, voire 800.000 FCfa, ensuite, pour au bout de trois mois, ne plus voir le bout du tunnel. En tout cas, depuis que je suis là, nous payons régulièrement les salaires. Nous proposons des salaires raisonnables aux joueurs, et les dirigeants font l’effort de les payer régulièrement ».

 

 

Lesoleil

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